Portrait de doctorant : Pauline Lévêque

Un parcours purement nantais

Crédit : Pauline Lévêque

C’est durant le lycée, grâce sa professeure de SVT et une rencontre avec deux chercheuses du LPG, Laetitia Le Deit et Marion Massé, que l’attention de Pauline se porte sur la planétologie. Son choix d’orientation s’est très vite porté vers une licence en université, correspondant mieux à son profil. Le domaine de l’exobiologie est accessible par plusieurs chemins, que ce soit par la biologie, la chimie, l’astrophysique ou la géologie, nous admet-elle. Hésitant avec la biologie, mais plus familière avec la géologie, elle débute une licence dans le domaine à Nantes Université (à l’époque, Université de Nantes), après avoir obtenu son baccalauréat scientifique en 2016. Le Master Planétologie en ligne de mire, elle choisit les options Planétologie et Astrophysique en Licence 2 et mécanique des fluides en Licence 3. Durant cette troisième année, Pauline réalise un stage axé expérimental, entre le LPG, à Nantes et l’Open University au Royaume-Uni avec Susan Conway, Chargée de Recherche CNRS, Marion Massé, Ingénieure d’études au LPG et Sabrina Carpy, Maître de Conférences à Nantes Université. Le but de ce stage était de comprendre les processus de formation de certaines géomorphologies d’écoulements martiens.

Arrivée dans le Master Planétologie, Pauline réalise son stage de Master 1 sur la modélisation des intérieurs et l’évolution thermique de Vénus, avec Caroline Dumoulin, Maître de conférence à Nantes Université. Le stage de Master 2 portait, quant à lui, sur l’évolution de la matière organique durant la formation des lunes de glace, avec Olivier Bollengier, Maître de conférence à Nantes Université, Erwan Le Menn, Ingénieur de Recherche au LPG, Gabriel Tobie, Directeur de recherches CNRS au LPG et Christophe Sotin, Professeur des Universités à Nantes. Un sujet sur lequel elle continuera de travailler durant sa thèse.

Thèse : Approche expérimentale du rôle et devenir de la matière organique primordiale dans les satellites de glace des planètes géantes.

Cette thèse est placée sous la co-tutelle de l’institut de chimie CEISAM et du laboratoire de Planétologie et Géosciences. Pauline nous admet apprécier cette double tutelle : « ça permet d’avoir des interactions vraiment plus enrichissantes et de pouvoir mélanger deux types d’habitudes, dans les expériences ou dans les modes de réflexions. Pour moi, l’un des points forts de la thèse, c’est cette bidisciplinarité. » Durant celle-ci, Pauline étudie la matière organique comme matériau de départ présent lors de la formation des lunes de glace : comment évolue-t-elle lors de l’accrétion des corps glacés, quels volatils sont produits par sa dégradation et en quoi la matière organique primordiale est-elle une source endogène de ces volatils dans ces corps.

Pour cette étude, l’équipe de l’ERC PROMISES a besoin de matière organique. Cette dernière est synthétisée au Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques de Nancy (CRPG) dans ce que l’on appelle un Nébulotron. Cet instrument permet de reconstituer les conditions présentes dans la nébuleuse primordiale du système solaire : un amas de gaz, irradié par une toute jeune étoile. Cette irradiation va former un plasma qui va condenser la matière présente dans l’instrument. Ces condensats vont constituer la matière organique utilisée comme matière de départ dans les recherches de Pauline.

Cette matière organique sera ensuite soumise à la haute pression et température. Pour cela, la majorité des expériences se font avec des cellules à enclumes de diamant. Depuis juillet 2023, les équipes utilisent aussi des autoclaves, en collaboration avec le laboratoire de géologie d’Orléans (ISTO, UMR 7327) permettant la réaction de plus grande quantité d’échantillon (ml). Deux types d’autoclaves sont utilisés : un premier, plus basse pression (1.35 kbar) permet des analyses Raman in situ d’un échantillon à la fois ; le second, plus haute pression (4kbar) permet la réaction de plusieurs capsules d’or hermétiquement soudées au préalable. Dans les deux dispositifs, la dégradation de la matière organique par l’eau va former différentes molécules, notamment sous forme de gaz, qui devront être caractérisées, en plus de la caractérisation du résidu organique insoluble.

Plusieurs méthodes sont possibles pour caractériser les produits des expérimentations. Pour l’analyse des volatils, il y a la spectroscopie Raman, ou encore la chromatographie gazeuse (GC-MS) pour les capsules métalliques réagies à 4kbar. Pour cela, Erwan Le Menn a mis en place un dispositif consistant à mettre la capsule dans un environnement hermétique et balayé en continu par de l’hélium pour éviter la pollution de l’échantillon par les gaz de l’atmosphère terrestre. Au sein de cet environnement, la capsule sera percée et les gaz s’en échappant seront identifiés. En complément de ces analyses GC-MS, la caractérisation des éléments volatils est effectuée in situ des cellules à enclume de diamant afin de vérifier la reproductibilité des résultats avec les deux types de dispositifs expérimentaux. Pauline nous indique que cette caractérisation se fera en synchrotron, à Grenoble (ESRF, ligne ID15B), ou encore à Hambourg (DESY-Petra III, ligne P02.2). Une haute pression sera appliquée sur le matériau pour qu’il soit sous forme de glace, tout en restant à température. La méthode de diffraction à rayons X est employée sur les échantillons solides, ce qui permettra d’analyser les volatils cristallisés dans l’échantillon. S’en vient, maintenant, la caractérisation de la matière organique elle-même. La matière produite en autoclave sera récupérée et sa caractérisation pourra être faite grâce au spectromètre de masse à transformée de Fourier (FT-ICR) du Laboratoire de Chimie Organique, Biomolécule, Réactivité et Analyse (COBRA) à Rouen ainsi qu’au Laboratoire de Chimie et de Physique Approche Multi-échelles des Milieux Complexes (LCP-A2MC) à Metz. L’appareil va ioniser l’échantillon à l’aide d’un laser. Cette ionisation sera juste assez puissante pour isoler les molécules de l’échantillon sans les casser. Les ions seront envoyés, par champ magnétique, dans un piège à ions (paracell) couplé à un spectromètre de masse, permettant de déterminer leur masse avec une très grande précision (à la masse de l’électron près). Une fois toutes les masses attribuées, l’équipe de Pauline a accès à la composition de l’échantillon.

Un travail par étapes

Le rôle de Pauline au sein de l’ERC PROMISES est d’explorer la question de l’impact et de l’évolution de la matière organique dans les lunes de glaces au niveau expérimental. Elle nous indique qu’elle partage ce côté expérimental avec Camille Delarue, et que leurs travaux sont complémentaires avec le travail de Mathis Pinceloup, qui lui travaille sur l’aspect modélisation de ces questionnements. Lorsque que nous lui demandons de nous dévoiler un peu la suite de son travail de thèse, Pauline nous explique : « Pour l’instant, j’étudie les premiers stades de formation des lunes avec un système simple, à savoir, de la matière organique et de l’eau en condition d’accrétion des lunes. Par la suite, on pourra ajouter aux échantillons les silicates, du fer et un peu de soufre, pour se rapprocher un peu plus des conditions réelles et des stades d’évolution suivant (différenciation des lunes). »