Thèse proposée en 2023 dans le cadre de l’ERC Promises

Les écoulements diphasiques au cœur de l’histoire de Ganymède

La mission de l’Agence Spatiale Européenne Juice (Jupiter Icy Moons Explorer) est lancée en avril 2023. À partir de 2034, elle va surtout explorer Ganymède, la plus grosse lune de Jupiter et aussi du système solaire. Cette lune est unique par l’existence d’un champ magnétique (donc d’un noyau de fer liquide, comme sur Terre), et d’un océan caché sous une épaisse couche de glace. Des simulations numériques vont être réalisées pour expliquer la formation de l’océan et du noyau de fer liquide, en tenant compte des aspects physiques complexes liés aux changements de phase. Ces simulations permettront d’interpréter les futures observations de Juice.

Ganymède est la plus grande lune de Jupiter ainsi que la plus grande et la plus différenciée du système solaire. Son intérieur contient un noyau métallique à l’origine d’une dynamo opérant aujourd’hui ainsi qu’un océan d’eau liquide sous la croûte de glace qui implique des questions clés liées à son habitabilité. En raison de ces attraits, la mission ESA Juice, avec un lancement le 13 avril 2023, atteindra Jupiter en 2031 puis entamera en 2034 une phase entièrement consacrée à la caractérisation de Ganymède comme corps planétaire emblématique. Les missions NASA Europa Clipper et Dragonfly consacrées à Europe, une lune voisine, et Titan, une lune de Saturne avec une taille comparable à Ganymède, ont une échéance temporelle comparable. Il est essentiel d’établir en amont de ces missions les chemins d’évolution empruntés par ces mondes océans de grande taille dès lors que les modèles sont rares et incomplets.

Bien que la formation du système de Jupiter soit encore débattue, il semble avéré que les lunes galiléennes suivent une évolution plus froide, et donc plus lente, que celle des planètes telluriques. Pour ces dernières, les écoulements multiphasiques sont associés soit à des évènements à l’échelle globale qui interviennent très tôt dans leur histoire sur une échelle de temps limitée, soit à des phénomènes plus locaux tels que ceux qui interviennent dans la géodynamique actuelle des dorsales médio-océaniques sur Terre. La thèse sera focalisée sur la différenciation diphasique de Ganymède ou d’autres lunes géantes dans un contexte de réchauffement graduel par désintégration radioactive : cela inclut une phase de déshydratation qui peut conduire à la formation d’une hydrosphère volumineuse ainsi que, plus tard, pour des températures plus élevées, à la formation du noyau. Dès lors que de tels phénomènes sont lents et globaux, ils ne peuvent être isolés comme des phases indépendantes. Ils contribuent à l’histoire à grande échelle de la lune et peuvent conduire, par exemple, à des évènements géologiques majeures de la croûte de glace ou bien à l’établissement de la dynamo actuelle. L’objectif de la thèse est de simuler numériquement la différentiation de Ganymède, d’une part la différentiation hydrosphère/roche puis la différentiation roche/noyau riche en fer.

L’évolution thermochimique d’une lune riche en eau/glace comme Ganymède implique tout d’abord la différentiation entre l’hydrosphère (eau et glace) et le noyau rocheux plus dense. Puis, au sein du noyau rocheux, le chauffage radioactif continue de le chauffer sur des échelles de temps géologiques (milliards d’années) permettant la différentiation entre un manteau silicaté et un noyau liquide riche en fer menant à la création d’une dynamo.

Le développement d’un code 3D sphérique de différentiation eau/roche appliqué à Ganymède se fera en plusieurs étapes : 1) Utilisation du code 1D développé par Stéphane Labrosse (co-encadrant ENS Lyon) et application à Ganymède. Détermination des paramètres critiques et des limites de cette approche. 2) Prise en main du code 3D sphérique OEDIPUS développé par Gaël Choblet (co- encadrant Nantes) pour la simulation des transferts thermiques. Intégration de la fusion partielle (séparation eau/roche) dans le code 3D. Comparaison entre l’approche 3D et l’approche 1D pour validation du code 3D. 3) Application à la différentiation hydrosphère/noyau rocheux pour Ganymède. Implications pour la composition chimique de l’océan de Ganymède. Implications des changements de volume associés pour la tectonique de surface. 4) Rédaction d’un article sur la différentiation hydrosphère/noyau rocheux de Ganymède. Cet article sera publié dans une revue internationale et accessible dans HAL. 5) Adaptation du code 3D sphérique en utilisant les propriétés des alliages de Fer, ce qui nécessitera une étude bibliographique pour l’établissement des différents paramètres physico-chimiques et leurs variations dans la gamme de pression et températures de l’intérieur de Ganymède. 6) Détermination des paramètres critiques pour le timing de cette différentiation. 7) Déterminer le rôle des composants riches en carbone (Molécules organiques se graphitisant) lors du chauffage et la différentiation du noyau silicaté. 8) Application à Ganymède et implications pour la taille du noyau, un paramètre qui pourra être mesuré par la mission Juice. 9) Rédaction d’un article sur la différentiation manteau silicaté/noyau métallique de Ganymède. Cet article sera publié dans une revue internationale et accessible dans HAL. 10) archivage des codes et des résultats des simulations suivant le Data Management Plan de l’ERC et de Nantes Université. 11) participation aux actions de valorisations auprès du public pendant les journées de la fête de la science.

> Déposer un dossier de candidature avant le 28 mai sur le site de l’école doctorale 3MG