Thème “Terre”
La ligne scientifique tracée par le LPG depuis sa création est basée sur la devise « Comprendre les planètes grâce aux outils et aux connaissances développés sur Terre et réciproquement ». Nous avons ainsi contribué, au cours des dernières années, à apporter des résultats nouveaux sur les autres planètes et sur leurs satellites, grâce à nos compétences dans différents domaines des Sciences de la Terre. Les travaux menés dans le thème Terre correspondent à la réciprocité de cette devise : nous exploitons l’expertise développée en planétologie pour proposer des méthodes d’étude et des questionnements nouveaux sur la Terre. Ce thème a donc vocation à favoriser l’émergence, au cours des années à venir, de sujets d’études originaux, issus de notre expérience en planétologie, et qui s’étendent de la dynamique interne à l’évolution de la surface de la Terre. Nos travaux sont actuellement structurés en deux grands axes : Structure et dynamique du globe et Interactions fluides/roches/vivant. Ces deux axes bénéficient de l’héritage important des anciens thèmes Intérieurs planétaires et Surfaces Planétaires (2012-2016).
1. Structure et dynamique du globe
Cet axe regroupe nos travaux sur la structure physique et chimique de l’intérieur de la Terre et sur les couplages entre ses différentes enveloppes. Nous développons des modèles de Terre interne, en termes de propriétés élastiques et/ou magnétiques, qui contraignent les processus d’échanges de matière et d’énergie. La modélisation numérique et les développements méthodologiques y occupent une place importante. L’étude des transferts chimiques permet également de quantifier les échanges de matière et de retracer l’histoire de l’intérieur de notre planète.
1.1 Observation et modélisation de la structure interne
Nous étudions la structure interne de notre planète principalement à partir d’observations sismologiques et magnétiques, et de modélisations numériques.
Les propriétés élastiques, isotropes et anisotropes, de la croûte et du manteau sont contraintes par la tomographie sismique, régionale et globale. Nous appliquons en particulier cette technique aux données acquises dans le cadre de notre contribution à l’Infrastructure de recherche RESIF, au sein de l’OSUNA. Par exemple, dans des structures fortement hétérogènes, comme la croûte, une caractérisation probabiliste de la sismicité naturelle ou des anomalies de vitesse permet de mieux quantifier les incertitudes sur les modèles obtenus. Les méthodes d’homogénéisation du champ d’ondes permettent de modéliser efficacement des objets complexes et ainsi de mieux comprendre ce que les ondes voient véritablement durant leur propagation. Dans des structures moins hétérogènes comme le manteau, le même souci d’apporter une vision probabiliste est présent. L’homogénéisation est, dans cette optique, une voie particulière car elle permet d’appréhender le problème inverse de façon plus cohérente avec ce que les ondes sismiques sont capables d’apporter comme informations, en termes de modèles isotropes ou anisotropes. En lien avec le thème Planètes Telluriques, certaines méthodes de tomographie probabilistes, mises au point pour la Terre, trouveront une application concrète lorsque le sismomètre de la mission InSight (NASA) sera déposé à la surface de Mars.
La physique du champ magnétique interne, ses fines structures spatiales et ses variations temporelles rapides sont étudiées notamment grâce aux données de la mission SWARM. Cette mission (3 satellites identiques sur des orbites dédiées pour mesurer le champ géomagnétique, mission ESA dont nous sommes partenaires (co-I) a été lancée fin 2013. Un effort important sera apporté à la séparation mathématique des contributions internes et externes dans les signaux. Des études plus approfondies sur la géométrie des champ externes magnétosphériques et ionosphériques, notamment dans les zones aurorales, permettront de mettre en évidence les variations saisonnières de la variation séculaire du champ principal ainsi que les fines structures spatiales du champ d’origine lithosphérique. Une meilleure représentation de la géométrie du champ externe permettra d’autre part des estimations plus robustes de la conductivité électrique du manteau terrestre à des profondeurs aujourd’hui peu accessibles. La réalisation de modèles de champ lithosphérique à haute résolution, en combinant les données satellitaires de la mission SWARM et les données de proche surface (dans le cadre du projet World Digital Magnetic Anomaly Map) par des méthodes régionales, fait partie des projets du thème. Ces modèles seront interprétés en termes d’aimantation et de profondeur de sources équivalentes et serviront à la reconstruction continentale au cours des temps géologiques. L’ensemble de ces travaux s’inscrivent dans un projet de recherche que nous avons soumis à l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Les chercheurs impliqués sont responsables d’un produit de niveau 2 concernant les modèles de champ crustal, et devant être mis à disposition par l’ESA.
1.2 Dynamique et couplages internes
La dynamique et les couplages de la Terre interne sont abordés par leurs aspects mécaniques, thermiques, chimiques et magnétiques. Les questions soulevées et les méthodes utilisées sont liées aux travaux menés dans les thèmes Planètes Telluriques et Diversité des Mondes Glacés.
Pour comprendre, par exemple, l’origine profonde des anomalies de faible intensité du champ magnétique à la surface de la Terre, telle qu’observée au dessus de l’Atlantique Sud, nous modélisons la cinématique des taches de flux géomagnétique à l’aide de modèles de variation séculaire. L’influence du noyau interne sur la géodynamo est également évaluée, en particulier le rôle de la fusion/solidification, grâce à un nouveau code numérique de dynamo basé sur la convection thermo-chimique avec une méthode de traceurs.
L’étude des transferts chimiques entre les différentes enveloppes terrestres au cours des temps géologiques permet de fournir des contraintes sur la dynamique interne de la Terre. La problématique du cycle des éléments volatils et chalcophiles est au centre de nos activités dans ce domaine. Les objectifs sont i) d’étudier les effets à long terme du recyclage des éléments volatils dans le manteau terrestre en mettant un accent particulier sur les couplages rédox entre la surface et l’intérieur et ii) de caractériser le dégazage volcanique. Pour ce faire, nous tentons (i) d´établir des lois de solubilité robustes pour des mélanges d’éléments volatils et (ii) de déterminer avec précision les mécanismes de dissolution et le rôle que ces éléments induisent sur les propriétés physico-chimiques des magmas.
2. Interactions Fluides/Roches/Vivant
Cet axe de recherche se focalise sur le rôle des interactions physiques et chimiques entre fluides, roches et organismes vivants et sur leurs implications dans l’évolution de la surface et de la subsurface de la Terre. Nous travaillons d’une part sur les aspects mécaniques de ces interactions (transformations géomorphologiques et structurales des matériaux géologiques par les fluides) et d’autre part sur leurs aspects chimiques et minéralogiques (transferts physico-chimiques, altération et minéralisation en réponse aux interactions entre roches, fluides et organismes vivants).
2.1 Transformations géomorphologiques et structurales des matériaux géologiques par les fluides
Notre expérience sur les mécanismes de déformation, d’érosion, et de sédimentation à la surface de différents corps du Système Solaire (Mars, Titan, Europe, Ganymède et Encelade en particulier) nous amène à proposer de nouveaux questionnements sur les couplages mécaniques entre fluides, déformations et transferts de matière dans les matériaux poreux à la surface de la Terre. C’est une problématique récurrente dans de nombreux domaines des géosciences, aussi bien fondamentales qu’appliquées. Les matériaux géologiques dans lesquels circulent des fluides (éventuellement sous pression) peuvent être soumis à des phénomènes de déstructuration, de colmatage, de chenalisation et plus généralement à des modifications de leur rhéologie (fracturation, bréchification, fluidisation, dissolution…). Ces phénomènes ont des effets connus, par exemple dans les domaines de la géotechnique et de la géologie des réservoirs (érosion interne des digues et des barrages, modifications de la perméabilité des réservoirs). Ils restent cependant mal compris et leur rôle dans l’évolution structurale et morphologique de la surface et de la subsurface de la Terre ainsi que des autres planètes reste à évaluer. Ces recherches s’appuient sur les équipements de modélisation expérimentale présents à l’Université du Maine et sur des analyses structurales, sédimentologiques et géomorphologiques d’exemples naturels. L’analyse de terrain fait appel, entre autre, aux outils de mesure topographique et d’imagerie stéréoscopique et spectroscopique disponibles au LPG et à l’OSUNA. Parmi les exemples naturels, nous nous intéressons préférentiellement (1) aux bassins sédimentaires anciens, dont l’architecture interne peut être profondément remaniée par les surpressions de fluides liées à la surcharge sédimentaire et aux changements de phase de la matière organique, (2) aux environnements sous-glaciaires, dans lesquels les circulations de fluides interstitiels sous pression jouent un rôle fondamental sur l’érosion, le transfert sédimentaire et le façonnement des reliefs et (3) aux environnements karstiques, dont l’évolution morphologique est contrôlée au premier ordre par les circulation de fluides superficielles et souterraines.
2.2 Transferts chimiques, altération et minéralisations
Cette thématique regroupe deux champs de compétences du LPG (processus d’altération et de minéralisation à la surface des planètes et transferts bio-physico-chimiques à la surface de la Terre). Elle est centrée sur l’évolution physico-chimique des matériaux géologiques superficiels (roches, régolites, sédiments, sols, glaces). Parmi ces nombreuses interactions, nous travaillons sur trois problématiques spécifiques. Elles sont motivées d’une part par leur originalité et leur intérêt sur Terre mais également par leurs implications planétologiques.
- Nous développons des critères spectraux (absorption infrarouge) qui permettent de discriminer certains minéraux (phyllosilicates et opales) formées par hydrothermalisme de ceux qui sont formés par altération supergène. Le parc analytique du LPG (spectrométrie proche-infrarouge, Raman, DRX, MEB, MET, ICP-MS, géochimie isotopique). Nous explorons aussi le rôle des complexants microbiens au cours des processus d’altération (libération de silice dans le fluide) et au cours de la précipitation sous forme d’opale. Ces travaux sont liés à ceux que nous menons sur les minéraux d’altération à la surface de Mars, dans le cadre du thème Planètes Telluriques.
- Nous nous intéressons au rôle des glaciers et de leurs eaux de fonte comme environnements de cristallisation de certain minéraux (sulfates, chlorures, nitrates, carbonates,…). L’objectif est de synthétiser certains de ces minéraux au laboratoire, dans un environnement cryogénique simulé, et de caractériser les conditions de leur formation. Outre leur intérêt pour la glaciologie et la minéralogie terrestres, ces expériences apportent également des contraintes sur les processus de formation de minéraux à la surface des glaciers martiens (Thème Planètes Telluriques) et des corps glacés du Système Solaire comme les satellites de glace et les comètes (Thème Diversité des Mondes Glacés).
- Certains métabolites émis par les microorganismes (dont les sidérophores) connus pour leur grande capacité de complexation du Fer, agissent sur de nombreux autres éléments chimiques. Nos travaux visent à préciser les mécanismes de mobilisation de ces éléments (actuellement Cs, Cu, Pb auxquels s’ajouteront Ce, La, Y), plus particulièrement par complexation par des sidérophores tels que la pyoverdine et la pyochéline. L’analyse est rendue possible par le développement, sur les sites de Nantes et d’Angers, d’échantillonneurs passifs formés de gels diffusifs 2D (DGT) couplés à la spectro-imagerie. Les impacts environnementaux de la mobilisation microbienne des métaux sont étudiés (contamination des eaux et des végétaux supérieurs) à partir de substrats continentaux (sols urbains, viticoles), estuariens (sédiments de la Loire) et des zones de contact terre/mer (plages). Ces travaux sont liés à ceux que nous menons sur les environnements côtiers, au sein du thème Systèmes Marins en Transition.