Naissance d’un océan sur la lune de Saturne, Mimas

S’il y a bien un objet dans le Système solaire au sein duquel l’on ne s’attendait pas à trouver de l’eau à l’état liquide, c’est sans nul doute Mimas.

Surfaces de Mimas (à gauche) et Encelade (à droite)Crédit : NASA / JPL-Caltech / Space Science Institute

À la différence de sa grande sœur Encelade, la surface de Mimas est extrêmement cratérisée et inactive, ne témoignant d’aucun signe d’activité sous sa surface. De plus, Mimas est une lune de taille modeste (de l’ordre de 400 km de diamètre), taille qui ne lui permet pas de retenir longtemps sa chaleur interne.

C’est en étudiant le mouvement de l’orbite de Mimas à l’aide des données de la sonde Cassini de la NASA, qu’une équipe de chercheurs  incluant Gabriel Tobie, chercheur CNRS au Laboratoire de planétologie et géosciences à Nantes Université, est parvenue à confirmer la présence d’un océan sous l’ensemble de la surface glacée du satellite.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont étudié l’effet de la rotation de Mimas sur son orbite. Comme la plupart des lunes du Système solaire proches de leur planète, Mimas présente toujours la même face à Saturne. La rotation du satellite sur lui-même s’effectue donc à la même fréquence que son mouvement orbital. En plus de cette rotation moyenne, Mimas voit sa rotation affectée par de petites oscillations, appelées librations. C’est précisément la rétroaction de ces librations sur le mouvement orbital que les chercheurs ont étudiée.

En comparant la solution issue des modèles numériques qui décrivent l’orbite de Mimas aux observations fournies par la sonde Cassini, ils ont découvert que les caractéristiques fines de l’orbite de Mimas ne peuvent s’expliquer que par la présence d’un océan global caché entre 20 et 30 km sous la surface du satellite. Une telle configuration rappelle ce qui avait été découvert il y a quelques années sur la lune Encelade.

Afin de déterminer l’origine et l’âge d’un tel océan, Gabriel Tobie a modélisé les effets de marées provoqués par la planète Saturne sur Mimas. Les calculs ont montré que la naissance de cet océan, datant seulement de 5 à 15 millions d’années, a très certainement été causée par le triplement de l’excentricité orbitale initiale de Mimas, sous l’influence gravitationnelle de plusieurs autres lunes de Saturne. L’amorce de l’activité interne est donc tellement récente qu’elle explique la raison pour laquelle aucun signe d’activité n’a encore jamais été constaté en surface.

Mimas rejoint ainsi le club très fermé des lunes qui possèdent un océan d’eau global. C’est même la plus petite d’entre elles. À la différence des autres lunes, comme Encelade, où un océan a déjà été détecté, il s’agit ici d’un océan naissant, offrant des conditions uniques pour étudier, de nos jours, des processus d’interaction eau-roche, tels qu’ils ont pu exister dans de nombreux corps durant les premiers âges du Système solaire.  

Ce travail de recherche fait l’objet d’un article intitulé “A recently-formed ocean inside Saturn’s moon Mimas” par Valéry Lainey (astronome de l’Observatoire de Paris – PSL, IMCCE), Nicolas Rambaux (enseignant-chercheur à Sorbonne Université, IMCCE), Gabriel Tobie (chercheur CNRS, Nantes Université), Benoît Noyelles (Enseignant-chercheur à l’Université Franche-Comté, UTINAM), Kévin Baillié (chercheur CNRS, à l’Observatoire de Paris – PSL, IMCCE), Nick Cooper, chercheur honoraire (Queen Mary University of London) et Qingfeng Zhang (Jinan University), publié le 7 février 2024 dans la revue Nature.

Référence : « A recently-formed ocean inside Saturn’s moon Mimas » Valéry Lainey, Nicolas Rambaux, Gabriel Tobie, Benoît Noyelles et Kévin Baillié, 7 février 2024, Nature. https://doi.org/10.1038/s41586-023-06975-9

Publié le 8 février 2024