Deux impacts majeurs de météorites éclairent l’intérieur de Mars

Communiqué de presse du 27 octobre 2022

En étudiant conjointement les données sismiques et d’observations orbitales liées à deux impacts météoritiques majeurs de fin 2021, les équipes internationales des missions InSight et Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA affinent leurs connaissances de l’intérieur planétaire martien. Deux études publiées le 27 octobre dans la revue Science, impliquant de nombreux co-auteurs d’institutions et laboratoires français, dont le CNRS, l’Institut de physique du globe de Paris, Université Paris Cité, et soutenues notamment par le CNES et l’ANR, apportent de nouvelles contraintes permettant de valider et d’affiner les modèles de la structure interne de la planète précédemment proposés, mais aussi de la dynamique des grands impacts et de la physique des ondes de choc atmosphériques.

Alors que les impacts de météorites façonnent les surfaces planétaires dans le système solaire, il est rare de pouvoir enregistrer les signaux liés à des impacts de grandes puissances. Sur Terre, notre atmosphère nous protège ! La plupart des météorites y brûlent, terminent en étoile filante ou explosent en altitude. Très peu atteignent donc le sol. Et rares sont les autres corps du système solaire qui sont équipés de sismomètres. Si des impacts naturels avaient déjà été enregistrés sur la Lune, il a été impossible de relier les plus forts d’entre eux à une image de cratère, ce qui aurait permis d’en connaître les caractéristiques précises. Sur Mars, les impacts précédemment enregistrés par l’instrument SEIS se situaient à moins de 300 km de l’atterrisseur de la mission InSight et étaient associés à des cratères d’une dizaine de mètres de diamètre. Ces données, via l’analyse des ondes acoustiques, ont déjà permis une amélioration de notre connaissance de la structure locale de la croûte (voir le communiqué du 19 septembre dernier). Les impacts S1000a et S1094b, du 18 septembre et du 24 décembre 2021 respectivement, ont, eux, laissé deux empreintes de plus de 130 m de diamètre à la surface de la planète Mars. Pour S1094b, il s’agit même du plus gros cratère d’impact des derniers siècles détecté sur une planète tellurique, car son diamètre de 150 mètres dépasse les 120 mètres du cratère Wabar, en Arabie Saoudite, considéré comme le plus gros des impacts ayant atteint la surface de la Terre durant cette période, plusieurs dizaines d’années avant le déploiement des premiers sismographes au début du XXème siècle. Il en est de même sur Mars, où aucun impact de cette taille n’avait jamais été détecté par la mission Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) depuis le début de sa mission orbitale, il y a 16 ans.

Représentation de l’impact de météorite du 18 Septembre 2021 (S1000a) observé par le satellite de la mission Mars Reconnaissance Orbiter et de la propagation, au sein du manteau et jusqu’à l’interface manteau/noyau de la planète Mars, des différents types d’onde détectés par le sismomètre SEIS de la mission InSight. Crédit : IPGP – CNES – N. Starter

En croisant les données sismiques de SEIS, pour InSight, et des caméra CTX, MARCI et HiRISE pour MRO, les équipes internationales des deux missions de la NASA ont pu localiser avec précision, dans le temps et dans l’espace, ces deux événements : « La dynamique de l’impact et le développement de l’onde de choc ont été documentés par notre sismomètre et par les images très haute résolution de Mars Reconnaissance Orbiter. Ceci nous permet de mieux comprendre comment l’énergie d’un tel bolide est répartie dans le sous-sol et dans l’atmosphère. De plus, nous avons maintenant deux sources sismiques d’une magnitude équivalente supérieure à 4 et dont la position est parfaitement connue sur Mars, et qui nous permettent de valider nos modèles de structure interne du manteau supérieur et de la croûte, développés notamment dans le cadre du projet MAGIS. » indique Philippe Lognonné, responsable scientifique de l’expérience SEIS à l’Institut de physique du globe de Paris, second auteur d’un des deux articles, coordinateur du projet MAGIS financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et professeur à Université Paris Cité.

Les deux météorites ont heurté Mars à 3500 km et 7500 km du site d’atterrissage d’Insight. Le plus gros a une masse estimée entre 250 et 650 tonnes, pour une vitesse d’impact de 7.5 km/s. Tous deux ont libéré une énergie suffisamment forte pour générer tout à la fois des ondes de surface et des ondes de volume se propageant jusqu’au noyau de Mars.

Pour Éric Beucler, professeur à Nantes Université et co-auteur des articles « Ce sont les premiers évènements pour lesquels des ondes de surface sont bien visibles. Cela permet de déterminer la structure moyenne de la croûte de Mars entre le point d’impact et InSight ». Ces mesures de l’épaisseur crustale sont fondamentales pour comprendre l’évolution de Mars et n’avaient pour l’instant pu être faites que sous la station InSight grâce aux ondes de volume des séismes. D’autres observations d’ondes de surface ont depuis été faites, en particulier après un séisme de magnitude 4.7 détecté le 4 mai 2022 (voir le communiqué du 20 octobre), ce qui permettra de compléter ces analyses.

À quelques semaines du 4e anniversaire de son atterrissage sur Mars, la mission InSight et son instrument principal, le sismomètre SEIS, ont permis de bâtir les premiers modèles de structure interne de Mars et d’observer tout à la fois la sismicité de la planète et les très forts impacts qu’une planète avec une atmosphère ténue peut rencontrer… Lire le Communiqué de Presse

Références bibliographiques :

> Largest recent impact craters on Mars: Orbital imaging and surface seismic coinvestigation, L. V. Posiolova, P. Lognonné, W. B. Banerdt, J. Clinton, G. S. Collins,T. Kawamura, S. Ceylan, I. Daubar, B. Fernando, M. Froment, D. Giardini, M. C. Malin, K. Miljković, S. C. Stähler, Z. Xu, M. E. Banks,E. Beucler, B. A. Cantor, C. Charalambous, N. Dahmen, P. Davis, M. Drilleau, C. M. Dundas, C. Duran,F. Euchner, R. F. Garcia, M. Golombek, A. Horleston, C. Keegan, A. Khan, D. Kim,C. Larmat, R. Lorenz, L. Margerin, S. Menina, M. Panning, C. Pardo, C. Perrin, W. T. Pike, M. Plasman, A. Rajšić, L. Rolland, E. Rougier, G. Speth, A. Spiga, A. Stott, D. Susko, N. A. Teanby, A. Valeh, A. Werynski, N. Wojcicka, G. Zenhäusern., Science, 2022
DOI : 10.1126/science.abq7704

> Surface Waves and Crustal Structure on Mars, D. Kim, W. B. Banerdt, S. Ceylan, D. Giardini, V. Lekic, P. Lognonné, C. Beghein, É. Beucler, S. Carrasco, C. Charalambous, J. Clinton, M. Drilleau, C. Durán, M. Golombek, R. Joshi, A. Khan, B. Knapmeyer-Endrun, J. Li, R. Maguire, W. T. Pike, H.Samuel, M. Schimmel, N. Schmerr, S. C. Stähler, E. Stutzmann, M. Wieczorek, Z. Xu, A. Batov, E. Bozdag, N. Dahmen, P. Davis, T. Gudkova, A. Horleston, Q. Huang, T. Kawamura, S. King, S. M. McLennan, F. Nimmo, M. Plasman, A. C. Plesa, I. E. Stepanova, E. Weidner, G. Zenhäusern, I. J. Daubar, B. Fernando, R. Garcia, L. V. Posiolova, M. P. Panning, Science, 2022
DOI : 10.1126/science.abq7157

Contacts Paris IPGP : Philippe Lognonné : lognonne@ipgp.fr

Contacts Nantes LPG/OSUNA : Éric Beucler : eric.beucler@univ-nantes.fr, Clément Perrin : clement.perrin@univ-nantes.fr

Publié le 27 octobre 2022