L’intérieur de la planète Mercure se dévoile un peu plus grâce à son champ magnétique

La plus petite des planètes du système solaire, Mercure, possède le noyau le plus important. L’analyse des variations temporelles périodiques du champ magnétique de Mercure avait permis en 2019 de révéler un noyau métallique occupant jusqu’à 85% de son rayon, sans qu’il soit possible de déterminer quelle partie est en mouvement (et donnant naissance au champ magnétique) et quelle partie est solide ou stratifiée. Aujourd’hui, une analyse poussée de la morphologie du champ magnétique de Mercure mesuré par la sonde MESSENGER entre 2011 et 2015 au-dessus de l’hémisphère nord permet de caractériser cette structure du noyau de Mercure.

Le champ de Mercure présente globalement une structure axisymétrique, alignée sur l’axe de rotation de la planète. Il y a également des structures de plus petites échelles spatiales qui sont visibles, notamment près des pôles de la planète. Sur Terre, de telles structures existent aussi. Elles sont reliées à la nature même des mouvements générant le champ géomagnétique, à l’intérieur du noyau liquide. Ceux-ci s’organisent schématiquement le long de tubes, ou cylindres, parallèles à l’axe de rotation, et allant d’un hémisphère à l’autre. Le noyau interne, solide, constitue un obstacle physique à ces cylindres. Ils sont tangents à la partie solide, et il y a deux zones polaires au sein desquelles de tels mouvements ne vont pas d’un hémisphère à l’autre. Au bord de ces zones, les mouvements vont avoir tendance à concentrer (ou à les éloigner, selon le sens du mouvement) les lignes du champ magnétique. On peut ainsi ‘voir’ le rayon de la graine en regardant à quelle latitude ces structures caractéristiques sont présentes.

Vue polaire de l’hémisphère nord du champ magnétique radial non-axisymétrique à la surface du noyau de Mercure. Les lettres indiquent l’emplacement de zones où les lignes de champ sont concentrées (B et D) ou éloignées (A et C). Elles sont localisées à une colatitude moyenne de 25°. La figure centrale associe chaque lettre à une cellule de convection. La figure de droite schématise la structure interne de Mercure, avec des mouvements convectifs axiaux localisés dans la zone comprise entre la graine solide et la zone stratifiée du noyau, située sous le manteau. Ces mouvements concentrent ou diffusent les lignes de champ à la surface du noyau. Crédit image : Wardinski I./Amit H./Langlais B./Thébault E./Beaunay S.

Nous observons sur Mercure une signature similaire à la surface mais plus faible que dans le cas de la Terre, au moins autour du pôle nord de la planète. Ces structures caractéristiques sont présentes à une colatitude d’environ 25°. Pour interpréter cette signature en termes de structure interne, il est nécessaire d’y combiner des hypothèses sur la composition du noyau et son degré de stratification. Le résultat le plus probable a été publié dans l’étude dirigée par Ingo Wardinski, physicien-adjoint à l’Institut Terre et Environnement de Strasbourg, avec Benoit Langlais du Laboratoire de Planétologie et Géodynamique à Nantes, et Erwan Thébault du Laboratoire Magmas et Volcans à Clermont-Ferrand. Le noyau interne de Mercure a un rayon qui pourrait être compris entre 500 et 660 km, pour une épaisseur correspondante de la couche stratifiée variant de 880 à 500 km.

La mission BepiColombo, qui entrera en orbite autour de Mercure en 2025, permettra de caractériser le champ magnétique de Mercure au-dessus de l’hémisphère sud également. Ces nouvelles mesures viendront compléter celles de MESSENGER. D’ici là, plusieurs survols sont prévus, le 1er ayant eu lieu en octobre 2021 et ayant réalisés des mesures inédites.

> Référence : The internal structure of Mercury’s core inferred from magnetic observations, Ingo Wardinski, Hagay Amit, Benoit Langlais et Erwan Thébault, Journal of Geophysical Research – Planets, 126, doi 10.1029/2020JE006792

> Contacts : Ingo Wardinski | Physicien-adjoint CNRS |Institut Terre et Environnement de Strasbourg | ingo.wardinski@unistra.fr / Benoit Langlais | directeur de recherche CNRS | Laboratoire de Planétologie et Géosciences | benoit.langlais@univ-nantes.fr / Erwan Thébault | Directeur de recherche CNRS | Laboratoire Magmas et Volcans | erwan.thebault@uca.fr.

Publié le 13 janvier 2022