ANR COLOSSe
Characterization of Ocean Layers in the Outer Solar System
Les océans de la Terre sont longtemps demeurés les seuls exemples de couches d’eau liquide à l’échelle planétaire. Les deux dernières décennies ont néanmoins révélé à travers l’exploration des systèmes de Jupiter et Saturne par les missions Galileo et Cassini-Huygens, que la Terre n’est pas le seul corps abritant actuellement un océan d’eau liquide. Parmi les lunes de Jupiter et de Saturne, les « mondes océans » semblent maintenant représenter la règle plutôt que l’exception. La preuve la plus spectaculaire a été apportée par la découverte de jets de vapeur d’eau et de grains de glace au pôle Sud d’Encelade, projetant dans l’espace des échantillons d’océan enfoui. L’analyse de ces matériaux par Cassini a révélé la présence de sels semblables à ceux des océans terrestres, de nano-grains de silice produits par les interactions eau-roches chaudes et de macromolécules organiques complexes.
Cette découverte a trouvé un écho dans le système de Jupiter avec la détection de panaches de vapeur sur Europe ainsi que de nombreux dépôts riches en sel associés à des structures géologiques précises. Ces signatures chimiques d’Encelade et d’Europe indiquent des processus d’interaction profonde entre eau et roche mais ces derniers, ainsi que la vigueur des échanges chimiques à travers l’océan restent encore mal compris.
Un aspect clé pour évaluer le potentiel exobiologique de ces mondes océans est de mieux comprendre les processus d’échange entre l’intérieur profond et la surface glacée, ce qui nécessite des modèles précis de la dynamique océanique et des échanges glace/océan. Les analyses des données géophysiques recueillies par Cassini sur Titan et Encelade ont déjà indiqué une signature possible de la dynamique des océans. De nombreuses leçons tirées de l’océanographie terrestre sont malheureusement peu utiles, ne serait-ce que parce que le puissant forçage superficiel (source/puits thermohalins, vents) à l’interface avec une atmosphère dynamique est remplacé, pour les océans enfouis sous une glace pratiquement stagnante, par un changement de phase quasi isotherme. Peu d’études ont tenté d’aborder la dynamique 3D de ces océans. Même si elles fournissent des premiers aperçus intéressants, certains ingrédients clés propres aux océans enfouis en sont absents (flux de chaleur hétérogènes à travers le plancher océanique, forçages mécaniques liés à la rotation, échanges de masse et de chaleur à l’interface glace/océan, effet de la stratification compositionnelle).
L’ambition du projet COLOSSe est de fournir le premier cadre théorique permettant de quantifier la contribution de chacun de ces processus à la dynamique et à l’évolution des océans enfouis. Il s’appuiera sur les progrès les plus récents réalisés dans la modélisation des fluides géophysiques en rotation à l’aide d’une approche duale numérique et expérimentale. À la lumière des données existantes collectées par la mission Cassini-Huygens et en vue de l’acquisition future de données par les missions JUICE de l’ESA et Europa Clipper de la NASA, nous souhaitons en particulier répondre aux principales questions suivantes sur les océans enfouis :
- Quelles sont les observations qui permettront de contraindre leur dynamique interne et leur évolution ?
- Quel est l’état physique de ces habitats ? Quels sont les différents régimes dynamiques dans une perspective d’évolution planétaire ?
- La stratification est-elle une barrière pour le transfert d’un signal chimique profond causé par l’interaction entre eau et roches dans les cœurs d’Europe ou d’Encelade ?
Le coordinateur du projet est Gaël Choblet, Directeur de recherche CNRS.