Réchauffement climatique : faut-il avoir peur de nos glaciers ?

La France et ses reliefs comptent 414 glaciers. Pourtant depuis plusieurs années, de nombreux chercheurs et chercheuses tirent la sonnette d’alarme sur leur dégradation et leur disparition. Ce phénomène a pour conséquence l’apparition de nouveaux risques en haute et basse montagne. Dans le but de comprendre ces nouveaux phénomènes naturels, les scientifiques réalisent des mesures et assurent des suivis de certains glaciers français. Parallèlement, d’autres chercheur.es, mettent au point des modèles d’études en laboratoire.

Glaciers et réchauffement climatique

Évolution du glacier du Taillon entre l’an 2000 (en haut) et aujourd’hui (en bas)

L’eau des glaciers est un sujet de plus en plus brûlant aujourd’hui en France. En effet, depuis quelques années, les glaciers ont tendance à fondre plus vite mais aussi plus tôt dans l’année. Simple changement de paysage ? En réalité, l’impact des glaciers est bien plus important que cela.
Tout d’abord, l’eau des glaciers reste une ressource pour l’Homme. Par exemple, la force de l’eau du glacier La Mer de Glace, glacier le plus grand de France, est utilisée par l’EDF pour produire de l’électricité. Mais en 2021, le glacier s’est retiré et a entraîné l’arrivée de débris sous formes de cailloux ou de roches. Cette problématique est due au dérèglement climatique : depuis 1900, la température moyenne dans les Alpes du Nord a augmenté de 2°C, soit le double de la moyenne enregistrée pour l’ensemble du territoire métropolitain. Cela entraine le retrait des glaciers, dont la fonte a de nombreuses conséquences sur les villages qui les bordent.
De même, cette situation amène des questions d’irrigation des terres cultivables dans la vallée du Rhône : les glaciers sont souvent à la source de fleuves et de rivières. On peut de même citer des problématiques liées au refroidissement des centrales nucléaires dû à une diminution du débit du Rhône (plusieurs centrales nucléaires se situent dans la vallée du Rhône).

Le danger des lacs glaciaires

De nombreux villages sont impactées par les glaciers en France. En cause, la formation de lacs sur, sous et devant les glaciers. Issus de l’eau de fonte qui peut s’accumuler dans des dépressions creusées par l’érosion glaciaire, ces étendues d’eau sont de plus en plus nombreuses. Plus de 700 sont recensés rien que dans les Alpes. Le risque dans tout ça? Au fur et à mesure de leurs remplissages, ces lacs peuvent céder brutalement à la manière d’un bouchon de champagne et se déverser dans des vallées en contrebas, créant ce qu’on appelle une lave torentielle.

On ne parle pas ici de lave comme pour les volcans, mais d’un mélange d’eau, de boue et de pierre tout autant dévastateur sur les paysages alpin et pyrénéen. Et sa dangerosité a déjà pu être observée : dans le village de La Bérarde dans les Alpes, une coulée comme celle-ci a complètement détruit le hameau en juin 2024. La rupture d’un lac sous le glacier de Bonne Pierre, combiné à un épisode pluvieux exceptionnel, a déclenché une coulée charriant près de 300 000 m2 de roches, ensevelissant et détruisant une grande partie des maisons du village.
De telles étendues d’eau sont surveillées de près, et des solutions sont mises en place pour réduire leur dangerosité. À Tignes, un lac est apparu en 2019 sur le glacier qui surplombe la ville. Pour réduire son impact, il est vidangé tout au long de l’année grâce à un système de pompage, qui évacue l’excédent d’eau dans un torrent situé de l’autre côté du versant donnant sur Tignes.

Cachés à l’intérieur

Les lacs glaciaires présentent ainsi de nombreux risques en montagne, car ils ne sont pas toujours visibles : certains sont souterrains. Plus difficiles à détecter, ces poches d’eau sont autant de dangers latents qui ne sont pas toujours connus. Des hydrogéologues vont régulièrement sur le terrain pour en découvrir de nouveaux, ou pour assurer un suivi comme dans le cas du glacier de Têterousse, qui domine le village de Bionnassay.

Lorsqu’une poche d’eau cède, son arrivée dans le hameau ne laisse que 15 minutes aux habitants pour se mettre à l’abri. Une situation critique, accentuée par la découverte d’une seconde poche dans le glacier.

Modèle d’étude réalisé par Édouard Ravier

Maquette reproduisant les lacs glaciaires souterrains

Dans le cas des glaciers, l’étude de terrain peut ne pas suffire. Étant des environnements dangereux, difficilement accessibles, les glaciologues et glacio-spéléologues ne peuvent parfois pas obtenir toutes les données nécessaires à leur compréhension.
C’est pourquoi des modèles d’études sont aujourd’hui mis au point, par des chercheurs du Laboratoire de Planétologie et Géosciences et du Mans Université dont fait partie Édouard Ravier.
En effet, pour mieux comprendre le fonctionnement des lacs glaciaires, il faut pour cela comprendre et anticiper plusieurs paramètres : évolution dans le temps, vitesse, pression…
Pour pouvoir étudier cela, Édouard Ravier utilise des modèles uniques dits analogues. Ils permettent de reproduire des phénomènes naturels à petites échelles dans un temps réduit. Une simulation des écoulements et stockages d’eau sous les glaciers est alors possible en utilisant une gomme de silicone qui repose sur des sédiments sous laquelle les chercheurs injectent de l’eau colorée. Le modèle permet de visualiser le comportement de ses poches sous lumière visible et ultraviolette et surtout de comprendre comment et à quelle vitesse elles se vidangent. Ce modèle unique au monde pourrait donc permettre de mieux anticiper la rupture de ces poches.

En conclusion

Un phénomène à surveiller de près dans les années à venir, sachant qu’en 2035, tous les glaciers pyrénéens risquent de disparaître, et que les glaciers Alpins pourraient suivre la même voie avant la fin du siècle. D’autres paramètres sont également étudiés afin d’anticiper les risques liés au dégel en montagne.
Ainsi, des analyses de la roche de la montagne, notamment du permafrost, sont effectuées. Il s’agit de sols dont la température reste sous le seuil de 0°C pendant minimum deux années consécutives. Véritable « colle des montagnes », sa sensibilité au dégel amène la chute de pierres de plusieurs dizaines de tonnes. Un autre danger pour ses habitants, qu’il faudra apprendre à mieux protéger dans les années à venir.

D’après le reportage « Sur le front : faut-il avoir peur de nos glaciers ? » présenté par Hugo Clément (Winter Productions / France Télévisions, 17 février 2025)

Publié le 12 juin 2025