De grands séismes déclenchent des avalanches de poussières sur Mars
En croisant les données recueillies par le sismomètre SEIS dans le cadre de la mission InSight sur Mars et les données orbitales disponibles, une équipe scientifique révèle que l’activité sismique martienne peut être responsable d’avalanches de poussière.
Grâce à une analyse détaillée des données à la fois orbitales et sismologiques des deux événements sismiques les plus importants enregistrés lors de la mission InSight sur Mars (opérationnelle de fin 2018 à fin 2022), une équipe de chercheurs de l’IPGP (Université Paris Cité / CNRS), LPG/Osuna (Nantes Université / CNRS), Brown University, Malin Space Science system, ETH Zurich, et University of Arizona mettent en lumière une nette augmentation du nombre d’avalanches de poussière autour des deux épicentres. Clément Perrin, physicien-adjoint rattaché au LPG et à l’Osuna, a notamment analysé et interprété les images satellite, non pas pour caractériser les avalanches, mais pour cartographier en détail les sources potentielles du séisme dans la région.
Le premier événement étudié, nommé S1000a, est un impact météoritique qui a eu lieu le 18 septembre 2021 et qui a généré un séisme d’une magnitude locale martienne de 4.1, formant un cratère d’un diamètre de 150 mètres environ. La comparaison des images orbitales avant et après cet événement montre une quantité impressionnante de nouvelles avalanches de poussière autour de l’épicentre, dans un rayon de 20 km, engendrées par une forte accélération à la surface.
Le second événement, nommé S1222a, s’est produit le 4 mai 2022 et constitue le plus grand séisme jamais détecté sur Mars, avec une magnitude de 4.7. Localisé près du volcan Apollinaris, proche de la dichotomie crustale martienne, son épicentre est probablement situé à une profondeur inférieure à 20 km, bien que son énergie soit de l’ordre de 25 fois supérieure à celle du séisme S1000a. En comparant l’étude de l’ensemble des données orbitales de la planète rouge disponibles depuis 2005 avec celle des images orbitales à haute résolution de ce second séisme, les chercheurs ont constaté que le taux d’avalanche passait de 3% (signifiant que pour 100 avalanches existantes, 3 nouvelles apparaissent au cours d’une année martienne, soit 687 jours terrestres) à 40% après le séisme pour certaines zones.
Le lien de causalité entre ce séisme et le déclenchement d’avalanches apparait d’autant plus clair que d’une part, aucune tempête n’a eu lieu dans la période couverte par les images antérieures et postérieures au séisme et que d’autre part, les versants sur lesquels se sont formées ces avalanches ne montrent aucune orientation préférentielle, pas même celle des vents dominants sud-nord enregistrés dans cette région.
Fort de ce résultat, les scientifiques ont ensuite cherché à affiner la localisation de l’épicentre de l’événement sismique S1222a, en se basant sur certaines lois utilisées sur Terre qui interprètent la distribution des glissements de terrain et des avalanches en fonction des épicentres des séismes qui les ont déclenchés. La position ainsi obtenue permet aux chercheurs deux interprétations différentes concernant le mécanisme à l’origine du séisme. La première théorie suggère que l’activité sismique pourrait être liée à un ancien volcan, Apollinaris Patera, bien qu’il soit peu probable qu’il soit encore actif. La seconde hypothèse suggère qu’une grande structure géologique pourrait être à l’origine du séisme, une ride de 450 km de long située juste à côté de la position épicentrale obtenue. Ces travaux ouvrent la voie à de futures recherches, en particulier pour mieux comprendre comment l’activité sismique martienne peut influencer les processus de surface et de subsurface.
Par ailleurs, cette étude montre que l’analyse des processus de surface peut nous aider à mieux comprendre les mécanismes à l’origine de la sismicité actuelle de la planète rouge.
> Référence : Possibly seismically triggered avalanches after the S1222a Marsquake and S1000a impact event. A. Lucas , I.J. Daubar , M. Le Teuff , C. Perrin , T. Kawamura , L. Posiolova , P. Lognonné , S. Rodriguez , D. Giardini , G. Sainton , A. Mangeney , A. McEwen, Icarus, 2024. https://doi.org/10.1016/j.icarus.2023.115942
> Contact LPG/Osuna : Clément Perrin / clement.perrin@univ-nantes.fr
Publié le 29 janvier 2024